Peut-on faire rimer transition numérique et transition écologique ?
À l’heure de la dématérialisation et du Big Data, il faut sans attendre rationaliser, organiser et contrôler les activités numériques pour les mettre au service de la transition écologique. Un objectif difficilement réalisable sans le concours des pouvoirs publics.
Le terme smart (intelligent) est de plus en plus accolé aux activités où le numérique s’implante. Parmi les exemples les plus courants : l’agriculture, les réseaux de transport, les réseaux électriques, la gestion des déchets, etc. Si l’objectif principal est le gain de productivité, le numérique est aussi un allié pour réaliser des économies d’énergie. Malgré tout, cet apport ne suffit pas à répondre au défi écologique que nous vivons actuellement. Pour cela, nous devrions diviser notre consommation d’énergie et d’autres ressources rares par 4 au plus vite.
Pour une transition numérique plus écologique
Aujourd’hui, tous les acteurs du numérique (pas uniquement le secteur informatique) fabriquent et utilisent des équipements. Pour cela, les infrastructures numériques ont besoin d’une quantité impressionnante de ressources naturelles non renouvelables et parfois extrêmement rares. L’exploitation de ces ressources représente la première source d’impacts environnementaux. Réduire la dépendance à ces ressources est un enjeu de taille et les résultats se feront sur le long terme. Pour le moment, de nombreuses initiatives sont prises dans ce sens. Les équipements électroniques sont soumis à des réglementations européennes visant à limiter l’utilisation de substances dangereuses. L’amélioration de leur collecte et traitement en fin de vie est aussi une priorité. Des labels ont vu le jour pour faciliter l’achat d’équipements numériques plus respectueux de l’environnement, mais des progrès restent à faire.
Le saviez-vous ?
Parmi les axes de progrès prioritaires figure la durée de vie des équipements qui ne cesse de baisser. Entre 1985 et 2015, la durée de vie d’un ordinateur a été divisée par trois passant de 11 à 4 ans. Il est nécessaire de promouvoir la réparation et la modularité des équipements nouveaux. Mais également leur mise à niveau et le réemploi des équipements anciens.
Transition du matériel, mais pas seulement
Les services numériques (applicatifs et sites Internet) doivent également être conçus de façon plus responsable. C’est le cas par exemple de GreenIT.fr et le collectif Conception Numérique Responsable. En effet, ils ont développé une méthodologie et des outils d’éco-conception qui ont déjà permis de diviser par trois l’empreinte énergétique d’un site web tout en améliorant l’expérience des utilisateurs. Cette méthode de conception vise en premier lieu à réduire la quantité de ressources informatiques (serveurs, bande passante, etc.). De plus, elle vise à créer un logiciel ou un service Web plus sobre allant à l’essentiel (graphisme minimaliste, pas de fonctionnalités superflues, code optimisé, etc.).
Soutenir l’innovation numérique en faveur de l’écologie
L’État et les collectivités locales françaises ont développé avec succès de nombreux dispositifs publics pour soutenir l’innovation numérique (French Tech, véhicule autonome, ville intelligente, etc.). Mais ces dispositifs demeurent souvent éloignés des enjeux écologiques. S’ils font miroiter des perspectives écologiques favorables, aucun dispositif ne permet d’en mesurer les impacts. Il existe quelques dispositifs publics qui tentent de décloisonner l’innovation numérique et l’innovation écologique. C’est le cas de la « Green Tech Verte » au niveau national, les opérations « Greenconcept » menées par la Région Occitanie, et « écoconception web » menée par l’Agence économique de la Région Bourgogne-Franche-Comté. Mais ils sont encore modestes et peu nombreux. En cause, les porteurs de projets numériques ne sont pas familiers des méthodes et des outils d’éco-conception, et ne peuvent donc pas évaluer leur impact environnemental.
Un autre obstacle concerne les innovateurs qui cherchent à développer de nouvelles solutions dans les domaines de la mobilité, des réseaux d’eau ou d’énergie. En effet, ils ont besoin des pouvoirs publics pour communiquer leurs solutions auprès des citoyens, les expérimenter, voire contribuer à leur financement. Les pouvoirs publics ne doivent pas voir ces solutions comme des concurrents, mais comme des alliés et essayer de soutenir leur déploiement.
Des réseaux de proximité
Aujourd’hui, le numérique souhaite passer du problème à la solution dans la transition écologique et énergétique. Pour cela, il sera nécessaire de modifier quelque peu le modèle actuel en s’appuyant plus sur des acteurs différents ou des technologies alternatives. Par exemple, le stockage distribué de données (le Cloud) peut s’appuyer sur la technologie du pair-à-pair (peer-to-peer). Cette technologie permet de diminuer la charge du réseau et de partager les capacités de stockage. Elle s’oppose ainsi au modèle centralisé actuel qui est souvent hébergé à l’étranger. La solution de petits data centers dits de « proximité » peut aussi permettre de réduire les impacts énergétiques. En effet, ils favorisent des transferts de données plus courts. Pour cela, il faudrait que chaque région ou chaque métropole puisse posséder les infrastructures nécessaires au déploiement de data centers.
Le rôle des pouvoirs publics dans la transition écologique et numérique
Pour agir vite, le législateur joue un rôle essentiel. Il permet d’imposer des directives ou de mettre en valeur des initiatives. Voici quelques points qui vont être, ou qui devraient être, abordés prochainement :
- Allonger à cinq ans la durée de garantie des équipements numériques
Généraliser l’affichage « durabilité » de ces produits (empreinte environnementale, durée de vie, réparabilité) et l’élargir aux services numériques.
- Soutenir le développement d’un label « numérique responsable »
Tout d’abord pour les entreprises de services numériques, puis faire de ce label un critère de sélection lors des appels d’offres publics.
- Rendre obligatoire l’éco-conception des sites Web et des services en ligne de l’État et des grandes entreprises
- Soutenir les projets de coproduction de données pour la transition écologique
La puissance publique devrait soutenir de tels projets, en les alimentant de données en sa possession (exemple d’OpenStreetMap). Elle pourrait également contribuer à leur financement.
- Engager une « revue écologique » des programmes d’innovation numérique
Par exemple, sur le véhicule autonome ou l’industrie du futur, cela servirait à ce qu’ils intègrent les enjeux environnementaux de manière non superficielle.
- Créer une base de données publique pour permettre aux acteurs du numérique d’analyser leurs impacts environnementaux
Ces acteurs ont besoin de nombreuses données, sur le coût environnemental des serveurs ou des ordinateurs par exemple. Il est indispensable de faciliter l’accès à ces données pour que les innovateurs puissent éco-concevoir leurs solutions.
Resadia s’engage pour l’environnement
Sources :
www.GreenIT.fr
www.IDDRI.org
Ademe FING
WWF France
CNNum